mercredi 8 octobre 2008

Article rédigé par Marc Rees, mais que vous devez lire

Nicolas Sarkozy éconduit fermement par Barroso. Voilà une situation cocasse que même les préparatifs à la loi DADVSI n'avaient connu.

Acte 1 : vendredi dernier, Nicolas Sarkozy adresse une lettre à José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, pour lui demander de faire sauter l'amendement 138 du paquet télécom. Cet amendement ayant été adopté à 88 % des eurodéputés le 24 septembre dernier, la demande de Sarkozy met le feu aux poudres.

Acte 2 : Guy Bono, coauteur de ce texte avec plusieurs autres députés dont Cohn-Bendit, se dit ainsi consterné par cette injonction venant du président de l'Union Européenne . : « Si Sarkozy a ses habitudes de monarque en France, l'Europe n'est pas son royaume ! », griffe Guy Bono avant de rappeler que « la Présidence française de l'Union européenne est censée représenter et promouvoir les intérêts communs de l'ensemble des citoyens européens. Au lieu de cela, en demandant à la Commission européenne de retirer l'amendement 138 d'un coup de baguette magique, Sarkozy va une nouvelle fois à l'encontre de la démocratie ». Invitant Barroso à refuser cette lettre au père Noël, l'eurodéputé menace : « C'est oublier un peu rapidement que le Parlement européen est profondément attaché au respect des libertés fondamentales et qu'il ne se laissera pas faire. Je redéposerai moi-même l'amendement 138 en deuxième lecture dans tous les cas »

Acte 3 : le Cabinet de Barroso répond à Nicolas Sarkozy dans une lettre ouverte qui a la saveur d'une énième gifle dans ce dossier où le ridicule ne tue plus. Les propos sont cinglants et font office de douche froide contre le volontarisme français qui tentait de manipuler des leviers d'un autre âge : « La commission européenne respecte la décision démocratique du parlement européen (…). Du point de vue de la Commission, cet amendement est un rappel important des principes clés juridiques, inhérents à l'ordre juridique de l'Union européenne, particulièrement quant aux droits fondamentaux des citoyens ». L'explication de texte continue de plus belle : « la formulation de l'amendement est rédigée délibérément pour laisser aux États membres la possibilité d'atteindre un juste équilibre entre plusieurs droits fondamentaux, à savoir le droit au respect de la vie privée, le droit de propriété, celui d'avoir droit à des voies de recours effectives, et le droit à la liberté de l'information et de l'expression ». La Commission indique à Nicolas Sarkozy et derrière lui, à la ministre de la Culture et l'industrie du contenu, qu'elle est prête à accepter l'amendement Bono. Elle ajoute qu'elle « comprend » que ces questions sont de la plus haute importance politique pour les débats franco-français avec la loi Hadopi. Elle invite alors la France, non à manœuvrer en sous-terrain, mais à discuter de ses vues sur l'amendement 138 avec les ministres des 26 autres États membres. « Comme le paquet télécom est voté dans une procédure de codécision, un accord entre le Parlement et le conseil est nécessaire avant qu'un amendement devienne loi ». La Commission se dit dès lors prête à faciliter ce débat, une fois que le Conseil aura fait connaître ses positions, mais sûrement pas avant malgré la haute qualité des courriers reçus dans sa boite mail.

Acte 4. Guy Bono revient à la charge, fort de cette fin de non-recevoir : « C'est un véritable camouflet que vient d'infliger la Commission européenne à Nicolas Sarkozy en renvoyant la question de la suppression de l'amendement 138 au Conseil de l'Union européenne ! Le Président français a trop vite oublié le fonctionnement des institutions de l'Union européenne en feignant d'ignorer le principe même de la codécision. Ce n'est qu'en résistant aux pressions politiciennes des États membres que la construction européenne avancera et que l'Europe se rapprochera enfin de ses citoyens » conclut l'eurodéputé.Ce nouvel incident tombe au plus mal pour le calendrier trop bien huilé du projet Hadopi. Albanel souhaite voir le texte voté et ficelé dès novembre, pour une application début 2009. Avec l'enlisement pronostiqué des débats européens et le risque de consolidation de l'amendement 138, c'est un pari de plus sur un avenir plus qu'incertain.

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